Auteur: Jean M. Fahmy
Chicoutimi, Les Éditions JCL, 2013, 356 p.
Quel remarquable roman!
L’auteur nous plonge en France dans le village des Huit-Maisons, dans le Poitou, non loin de la Gartempe où s’épuisent au travail de défrichement des exilés venus d’Acadie.
Jean M. Fahmy nous conduit ensuite à Paris où nous découvrons la capitale sous les yeux ébahis des jeunes héros. Nous sommes alors vraiment dans un Paris étonnant, fou et déroutant.
L’illustre Beaumarchais nous est brillamment révélé dans sa personnalité multiple, étourdissante et cultivée. Jean M. Fahmy nous dévoile un homme de lettres, un homme d’affaires qui tisse des liens commerciaux avec l’Amérique, les Antilles. Il y implante son réseau aux nombreuses ramifications. L’auteur excelle dans les descriptions de ce Paris en constante effervescence qui contraste tant avec les Huit-Maisons acadiennes.
Fabien, l’Acadien, devient employé de monsieur de Beaumarchais, puis confident de ce dernier. Fabien est bien campé dans ses rêves, découvertes, apprentissages, difficultés et surtout dans sa relation avec la gracieuse Marie qui fait tourner bien des cœurs.
Au cœur du roman règne, malgré les tourments, l’amour entre Marie et Fabien, un amour qui est toujours menacé par la passion pour le travail qu’éprouve Fabien et par les tentations qui rôdent autour de la belle Marie.
La description des salons mondains est fascinante, les personnages sont très vrais; il y en a qui émergent, des courtisanes, des maîtresses, qui animent cet univers, tout aussi réservé à des privilégiés, comme nous l’apprendrons, que les salons de Londres où se côtoient les lords anglais.
Les paysages de France, de Paris surtout avec son fourmillement intense, son luxe et sa pauvreté sont très bien exposés. Puis, voici les larges rues de Londres et les sinistres ruelles de l’immense ville parcourues par le jeune couple d’Acadiens en une course haletante vers la liberté.
L’auteur fait ressortir la vie de défis de ces jeunes d’origine acadienne. Ils ne connaissent pas l’Acadie, ils ont transité par Londres et Saint-Malo et maintenant ils vivent à Paris. Ce séjour à Paris les transforme complètement. Pour un peu, Fabien et Marie en perdraient leurs racines s’il n’y avait la foi transmise par les grands-parents, la foi en une Acadie mythique.
À Paris, pour les héros, tout gravite autour de Beaumarchais. Le personnage en lui-même est gigantesque. De son côté, le marquis De Liria, nous entraîne dans un Paris plongé dans la frivolité, le sérieux des affaires et les intrigues de la politique.
De belles pages témoignent de la lutte des femmes pour être libres, tout comme les esclaves d’ailleurs.
Ce livre fait resurgir un univers, qui même lointain, nous rejoint. Nous reconnaissons les noms de l’époque, les rues, les quartiers, les événements, tout cela est vivant, réel, passionnant.
Nous bénéficions de la remarquable connaissance de l’auteur sur l’histoire américaine, sur les courants qui animèrent les soutiens de la France. L’idéal des Lumières côtoie le commerce des armes.
Dans cet univers si loin des Huit-Maisons, naviguent des espions de tout acabit. Ils sont partout, à Paris à Londres, au coin de la rue, dans les salons mondains.
Un des moments forts, parmi d’autres du premier tome, est la scène de la prison de Londres, alors que Marie se démène pour faire sortir Fabien de cette gêole.
La tension de ces journées cruciales, les démarches de Marie, sont très bien rendues par l’auteur.
Durant ces événements, des personnages se montrent fourbes ou audacieux, comme le chevalier d’Éon très bien campé dans son rôle toujours complexe.
Dans un coup d’éclat, Jean Fahmy nous présente Voltaire au théâtre. C’est d’un d’un réalisme exceptionnel.
On y est.
On découvre Voltaire depuis la première loge, par un gros plan sur lui, sa silhouette, on décèle les marques de l’âge, les yeux vifs. Voltaire ovationné se courbe sous les acclamations. Voltaire est adulé par la foule de Paris, comme les grandes vedettes de nos jours. Ces scènes grandioses sont de pures réussites.
Jusqu’à la fin, même devant le navire qui va les conduire outre-Atlantique, l’auteur nous tient en haleine.
Et nous bouclons la boucle des premières pages.
La lecture de ce livre est un réel bonheur. Écrit dans un style clair, vibrant au rythme de l’intrigue, qui va de rebondissements en péripéties inattendues, cet ouvrage prenant rend l’histoire vivante, il traite de la politique sérieusement sans lasser, de la vie parisienne ou de l’évolution des mœurs et de la société sur un ton juste, il passionne toujours et porte souvent à la réflexion.
Je me doute que ce livre a dû connaître un très beau succès, il le mérite et il mérite également une longue carrière.
Jean-Louis Grosmaire
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